La critique de l’École des femmes - Pascal Ruiz joue Molière

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  • Опубликовано: 6 сен 2024
  • MOLIÈRE.
    « Les précieuses ridicules » (grand retour de la satire contemporaine après des siècles d’oubli), « Le cocu imaginaire » (talent ébouriffant d’un « farceur »), « L’école des maris » (invention du « raisonneur », pour un exposé sans retenue du point de vue du « galant homme »), « Les fâcheux » (invention de la Comédie-Ballet), et enfin « L’École des femmes ».
    Cette pièce saisit, étonne, prend rapidement le statut de grande œuvre, avec les polémiques en conséquence. Les trois publics (le Roi, les nobles et les bourgeois) sont en désaccord : les nobles désapprouvent hautement ce que la Cour et les spectateurs du « parterre » applaudissent fortement.
    Molière a alors l’idée incroyable de mettre lui-même sur scène le débat dont il est le sujet et de faire une petite comédie de l’affrontement des opinions.
    Le résultat est une pièce surprenante, riche d’enseignements sur les usages de son époque. Elle regorge aussi de citations pour un pan entier de « l’art d’écrire » …
    Quant à la tirade que nous avons choisi de jouer, elle fut la porte d’entrée de Molière dans le panthéon littéraire de la IIIe République.
    En effet, jusqu’au Second Empire, Molière était apprécié avec de fortes réserves. On louait ses grandes œuvres sérieuses mais on désespérait de ses farces et des passages jugés vulgaires de ses comédies-ballets. Il était pour moitié un auteur incontournable et pour moitié un simple prolongement du théâtre médiéval et des excès de la littérature de tendance rabelaisienne. Si l’on ouvre les cours de littérature des XVIII et XIXe siècle, les pages sur Molière sont couvertes de « hélas ! ». Hélas, Molière est souvent bas. Hélas, Molière prend ses sources chez des auteurs de second ordre. Hélas, Molière met en scène des domestiques au langage leste. D’autres auteurs, venus avant et après lui (Cyrano de Bergerac, Dancourt, Regnard, le Racine des « Fâcheux », etc.) ont été pendant deux siècles au moins autant étudiés à l’école, sinon davantage).
    Puis la Troisième République s’installa contre toute attente, s’établit longtemps après avoir été seulement proclamée, et il fallut alors refaire l’Histoire - et notamment l’histoire littéraire. Molière en fut le gagnant. Champion hors catégorie même. En donnant l’impression de toujours défendre le « peuple », son aptitude au goût et sa légitimité face aux « privilégiés », Molière était le chaînon idéal entre le Grand Siècle des chefs d’œuvre aristocratiques (d’Horace à Phèdre en passant par La Princesse de Clèves) et les soucis égalitaires de l’école de Jules Ferry. Quant à l’indulgence de Molière pour le Roi, attitude qui prend souvent des allures de soutien militant, outre qu’elle servait les intentions de « continuité historique » des nouveaux républicains, allant soudain de Clovis à Victor Hugo, voire de Vercingétorix à Gambetta, elle pouvait se compléter et se nuancer avec les vers de La Fontaine qui épargnaient, eux, la noblesse, pour mieux égratigner le Roi !
    Bref, il aura très sérieusement suffi de la seule répartie de Dorante que l’on peut entendre dans notre vidéo pour que Molière accède au statut qui reste le sien 400 ans après sa mort : auteur national. Au sens strict d’auteur de la nation.
    Qu’on se représente maintenant, afin de bien entendre ce qui se joue dans cette tirade, la disposition théâtrale de 1663.
    Les acteurs vont entrer sur scène car l’on a allumé les chandelles. De part et d’autre de cette scène, des chaises ont été disposées (environ une dizaine de chaque côté) et des nobles s’y sont assis, ou entreront pendant le spectacle pour s’y asseoir. Oui, ils sont sur scène, presque autant regardés que les personnages de l’histoire qui va être jouée.
    Dans la salle, les gens sont debout. Ce ne sont pas des pauvres (le prix des places est conséquent et est même augmenté pour certains spectacles coûteux). Ce sont des bourgeois, des soldats, des artisans. Il y a des billets de faveur pour certaines corporations. Mais les domestiques ne peuvent en aucun cas entrer dans la salle. Ce public debout, c’est le fameux « parterre ».
    Enfin, au fond de la salle, quelques loges, pour les hauts personnages qui ne veulent pas s’exhiber. La Reine-mère, un cardinal, un auteur rival…
    Les nobles paient très cher leur place assise sur scène, mais ont seuls le droit d’y accéder.
    C’est dans ce public, déjà moqué dans « Les Fâcheux » (voir l’extrait proposé sur cette chaîne), que va progressivement monter la plus grande grogne contre Molière.
    Mais la vraie ennemie, l’Église, ne s’est alors pas encore prononcée sur le cas de notre farceur en vogue, le sieur Poquelin, dit Molière.

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