Pour comprendre la situation en Haïti: Les Duvalier, un régime totalitaire en Caraïbe par Fred RÉNO

Le duvaliérisme est, comme le nazisme en Allemagne et le fascisme en Italie, une idéologie totalitaire élaborée et mise en œuvre par une partie des élites noires d’Haïti pour atomiser et soumettre la société.
Ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la crise haïtienne, repose sur une histoire où la force et la politique se confondent, où la France et les États-Unis ont vassalisé la jeune nation dans des conditions scandaleuses, où la bourgeoisie locales n’a jamais été « nationale » où l’État est finalement incapable d’assurer ses fonctions régaliennes de souveraineté et de sécurité.
Le présent haïtien résulte d’une histoire marquée aussi par la toute-puissance d’un dictateur François Duvalier et de son fils qui de 1957 à 1986 ont contribué largement à la défaillance de l’État.
Les conditions de son arrivée au pouvoir
Les conditions de son arrivée au pouvoir méritent d’être mentionnées pour comprendre la trajectoire d’un homme d’origine sociale modeste qui va réussir à s’imposer par des stratégies habiles d’instrumentalisation de l’histoire et de la culture haïtiennes à des fins personnelles.
François Duvalier est né le 14 avril 1907, il meurt le 21 avril 1971.
Médecin et surnommé « Papa Doc » il a dirigé d’une main de fer Haïti de 1957 à sa mort.
A l’occasion de l’élection présidentielle de 1957 quatre candidats sont en compétition. Jumelle, Dejoie, Fignolé et Duvalier ont des soutiens dans l’armée ce qui a pour effet de fragiliser l’institution.
Les officiers noirs sont en majorité favorables au camp Duvalier qui réussit à rallier Fignolé, le candidat vraisemblablement le plus populaire, et éviter ainsi des affrontements au sein de l’armée.
Le candidat rallié se voit confier la présidence provisoire du pays.
Le président intérimaire sera rapidement neutralisé. Moins de 15 jours après sa nomination il est renversé par l’armée et contraint à l’exil aux Etats-Unis.
Le renversement du gouvernement provisoire et la répression militaire qui a suivie sont présentés comme les premières étapes de la conquête du pouvoir par François Duvalier.
Le 22 septembre 1957 le candidat de l’armée est démocratiquement élu avec 69% des suffrages.
Il faut ajouter que le parlement lui était également favorable. 55 des 58 parlementaires, étaient des duvaliéristes.
Cette élection démocratique sera détournée pour faire place à un régime autocratique.
Un pouvoir absolu, une société durablement atomisée
En Haiti historiquement, l'armée précède l'Etat. Duvalier redoutait une réaction de l’armée ou plus précisément des miliaires qu’il ne contrôlait pas.
Il fait le vide autour de lui et s’appuie sur une clientèle qui lui voue une fidélité indéfectible.
Il s’entoure de partisans qu’il arme afin de le protéger et réprimer si besoin les opposants.
C’est dans ce contexte que naissent les « Tonton-Macoute » milice paramilitaire personnelle devenue les VSN (Volontaires de la Sécurité nationale) par arrêté présidentiel de 1962.
Pour saisir la portée de ce pouvoir absolu il est intéressant de savoir comment l’intéressé, lui-même, conçoit le pouvoir.
« Je suis actuellement le seul homme qui soit capable de faire respecter le prestige et la dignité d’une nation nègre ; personne d’autre ; c’est pourquoi il n’y a maintenant qu’un seul chef, c’est le Dr Duvalier. A partir du moment où vous voyez que dans une République, dans une communauté ou dans un système de gouvernement, il existe un, deux, trois, quatre, cinq, chefs, ce pays ou ce gouvernement n’existe pas ».
« Je ne vise point à bousculer de manière irraisonnée et arbitraire les grands principes du droit. Mais ils devront se plier aux besoins et aux exigences de notre révolution. Je pense en particulier à la thèse sacro-sainte de la séparation des pouvoirs si chère aux disciples de Montesquieu… »
Bien que l’usage du mot « nègre » en Haïti désigne avant tout un Homme, on ne peut occulter les relations conflictuelles historiques entre noirs et mulâtres. Dans ce conflit Duvalier symbolise la revanche noire contre ceux qui ont assassiné Dessalines, le père de la nation.
Le noirisme, idéologie raciale accompagne cette vision totalitaire du pouvoir.
Le dictateur s’auto-proclame président à vie en 1964 avant de mourir en 1971.
Avant son décès, François Duvalier modifie la constitution pour permettre à son jeune fils de 19 ans de le remplacer. Ce dernier sera chassé du pouvoir par le peuple en 1986.
La dictature a provoqué des milliers de morts, éliminé les oppositions, favorisé l’émigration et l’appauvrissement du pays. L’atomisation de la société se traduit encore aujourd’hui par une méfiance généralisée et pourrait expliquer la difficulté à trouver des solutions consensuelles.
On a pensé que la fin des Duvalier annonçait la transition démocratique et une société pacifiée.
A la dictature se substitue un État failli.

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