Cher Monsieur, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous invite à méditer cet extrait du chapitre "Coopération" du "Capital" de Karl Marx : "Tout le travail social ou commun, se déployant sur une assez grande échelle, réclame une direction pour mettre en harmonie les activités individuelles. Elle doit remplir les fonctions générales qui tirent leur origine de la différence existante entre le mouvement d'ensemble du corps productif et les mouvements individuels des membres indépendants dont il se compose. Un musicien exécutant un solo se dirige lui-même, mais un orchestre a besoin d'un chef. Cette fonction de direction, de surveillance et de médiation devient la fonction du capital dès que le travail qui lui est subordonné devient coopératif, et comme fonction capitaliste elle acquiert des caractères spéciaux. L'aiguillon puissant, le grand ressort de la production capitaliste, c'est la nécessité de faire valoir le capital; son but déterminant, c'est la plus grande extraction possible de plus-value [14], ou ce qui revient au même, la plus grande exploitation possible de la force de travail. A mesure que la masse des ouvriers exploitée simultanément grandit, leur résistance contre le capitaliste grandit, et par conséquent la pression qu'il faut exercer pour vaincre cette résistance. Entre les mains du capitaliste la direction n'est pas seulement cette fonction spéciale qui naît de la nature même du procès de travail coopératif ou social, mais elle est encore, et éminemment, la fonction d'exploiter le procès de travail social, fonction qui repose sur l'antagonisme inévitable entre l'exploiteur et la matière qu'il exploite. De plus, à mesure que s'accroît l'importance des moyens de production qui font face au travailleur comme propriété étrangère, s'accroît la nécessité d'un contrôle, d'une vérification de leur emploi d'une manière convenable." D'après Marx, il y a une très grande différence entre la fonction d'un chef d'orchestre qui n'exploite pas les musiciens qu'il dirige et celle d'un chef d'entreprise capitaliste dont le but l'exploitation maximum de la force de travail en vue d'en tirer le maximum de plus-value. Dans ces conditions, il me semble impossible de promouvoir l'homme dans l'entreprise. En revanche, moi aussi, je suis convaincu que les chefs-d'œuvre de la musique embellissent nos vies. Malheureusement, cela ne concerne qu'une minorité. J'ai beaucoup apprécié vos conférences sur RUclips, notamment celles sur Beethoven, Bruckner et Mahler qui sont mes trois symphonistes préférés. Bien cordialement
Cher Monsieur, Merci de votre commentaire, fort intéressant. Je ne connaissais pas cet extrait du Capital et il est effectivement bien dans le sujet. Le parallèle entre chef d'orchestre et chef d'entreprise peut être intéressant à établir si on ne perd pas de vue les divergences qui existent entre ces deux fonctions. Le premier doit faire revivre une partition qui n'est, au départ, qu'une promesse de musique. S'étant approprié l'oeuvre, en ayant compris son sens et sa structure, il doit mobiliser un groupe de musiciens autour de sa vision de l'oeuvre et leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes. Le travail en répétitions et une certaine complicité avec les musiciens sont fondamentaux. L'exemple de Carlos Kleiber en est la plus sublime illustration (voir documentaire euroarts sur RUclips). La vision humaniste de Bruno Walter, que je cite dans mon livre, un exemple à méditer. La partition, écrite il y a plusieurs siècles et le cadre formel de l'orchestre symphonique, établi au début du XIXe siècle, sont immuables. Or, le cadre du chef d'entreprise change sans arrêt. La conjoncture, la concurrence, les attentes des clients, les avancées technologiques, sans parler des crises pandémiques... On touche là les limites de l'exercice, sans compter sur le fait, autre différence majeure, que la plupart des grands chefs d'orchestre vont jusqu'au bout de leurs forces pour diriger, ce qui est plutôt rare chez les chefs d'entreprise. Tous ces points sont abordés dans mon livre mais il m'était impossible de les mentionner dans une présentation vidéo aussi courte. Quant à la vision de Marx de l'exploitation de la force de travail par les entreprises capitalistes, elle garde une certaine pertinence mais me semble ne plus correspondre à la réalité. La plupart des entreprises souhaitent conserver, former et faire évoluer leurs salariés. Cette force de travail, de créativité, cette compétence à la fois individuelle et collective, est leur principale richesse, un facteur clé de compétitivité. On sait depuis longtemps qu'un salarié heureux rend le client heureux. On sait aussi, toutes les enquêtes le démontrent, que le travail est un facteur de réalisation de soi et de lien social. Ceux qui en sont privés souffrent particulièrement de ne pas pouvoir vivre cela. Il y a certes un lien de subordination mais le travail en mode projet s'étend de plus en plus, de même que la responsabilisation des acteurs (empowerment). Beaucoup reste à faire et certains managers sont encore dans le rapport de force et le manque d'écoute, voire de respect. Mais je crois en la possibilité d'un leadership humaniste qui tire l'homme vers le haut et lui permet de se réaliser au travail. Merci de l'intérêt que vous portez à mes activités et à mes vidéos sur nos chers compositeurs. Vive la musique et bien cordialement. Eric Chaillier
Cher Monsieur, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous invite à méditer cet extrait du chapitre "Coopération" du "Capital" de Karl Marx : "Tout le travail social ou commun, se déployant sur une assez grande échelle, réclame une direction pour mettre en harmonie les activités individuelles. Elle doit remplir les fonctions générales qui tirent leur origine de la différence existante entre le mouvement d'ensemble du corps productif et les mouvements individuels des membres indépendants dont il se compose. Un musicien exécutant un solo se dirige lui-même, mais un orchestre a besoin d'un chef.
Cette fonction de direction, de surveillance et de médiation devient la fonction du capital dès que le travail qui lui est subordonné devient coopératif, et comme fonction capitaliste elle acquiert des caractères spéciaux.
L'aiguillon puissant, le grand ressort de la production capitaliste, c'est la nécessité de faire valoir le capital; son but déterminant, c'est la plus grande extraction possible de plus-value [14], ou ce qui revient au même, la plus grande exploitation possible de la force de travail. A mesure que la masse des ouvriers exploitée simultanément grandit, leur résistance contre le capitaliste grandit, et par conséquent la pression qu'il faut exercer pour vaincre cette résistance. Entre les mains du capitaliste la direction n'est pas seulement cette fonction spéciale qui naît de la nature même du procès de travail coopératif ou social, mais elle est encore, et éminemment, la fonction d'exploiter le procès de travail social, fonction qui repose sur l'antagonisme inévitable entre l'exploiteur et la matière qu'il exploite.
De plus, à mesure que s'accroît l'importance des moyens de production qui font face au travailleur comme propriété étrangère, s'accroît la nécessité d'un contrôle, d'une vérification de leur emploi d'une manière convenable."
D'après Marx, il y a une très grande différence entre la fonction d'un chef d'orchestre qui n'exploite pas les musiciens qu'il dirige et celle d'un chef d'entreprise capitaliste dont le but l'exploitation maximum de la force de travail en vue d'en tirer le maximum de plus-value. Dans ces conditions, il me semble impossible de promouvoir l'homme dans l'entreprise.
En revanche, moi aussi, je suis convaincu que les chefs-d'œuvre de la musique embellissent nos vies. Malheureusement, cela ne concerne qu'une minorité.
J'ai beaucoup apprécié vos conférences sur RUclips, notamment celles sur Beethoven, Bruckner et Mahler qui sont mes trois symphonistes préférés.
Bien cordialement
Cher Monsieur,
Merci de votre commentaire, fort intéressant. Je ne connaissais pas cet extrait du Capital et il est effectivement bien dans le sujet.
Le parallèle entre chef d'orchestre et chef d'entreprise peut être intéressant à établir si on ne perd pas de vue les divergences qui existent entre ces deux fonctions.
Le premier doit faire revivre une partition qui n'est, au départ, qu'une promesse de musique. S'étant approprié l'oeuvre, en ayant compris son sens et sa structure, il doit mobiliser un groupe de musiciens autour de sa vision de l'oeuvre et leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Le travail en répétitions et une certaine complicité avec les musiciens sont fondamentaux. L'exemple de Carlos Kleiber en est la plus sublime illustration (voir documentaire euroarts sur RUclips). La vision humaniste de Bruno Walter, que je cite dans mon livre, un exemple à méditer.
La partition, écrite il y a plusieurs siècles et le cadre formel de l'orchestre symphonique, établi au début du XIXe siècle, sont immuables.
Or, le cadre du chef d'entreprise change sans arrêt. La conjoncture, la concurrence, les attentes des clients, les avancées technologiques, sans parler des crises pandémiques...
On touche là les limites de l'exercice, sans compter sur le fait, autre différence majeure, que la plupart des grands chefs d'orchestre vont jusqu'au bout de leurs forces pour diriger, ce qui est plutôt rare chez les chefs d'entreprise.
Tous ces points sont abordés dans mon livre mais il m'était impossible de les mentionner dans une présentation vidéo aussi courte.
Quant à la vision de Marx de l'exploitation de la force de travail par les entreprises capitalistes, elle garde une certaine pertinence mais me semble ne plus correspondre à la réalité.
La plupart des entreprises souhaitent conserver, former et faire évoluer leurs salariés. Cette force de travail, de créativité, cette compétence à la fois individuelle et collective, est leur principale richesse, un facteur clé de compétitivité. On sait depuis longtemps qu'un salarié heureux rend le client heureux. On sait aussi, toutes les enquêtes le démontrent, que le travail est un facteur de réalisation de soi et de lien social.
Ceux qui en sont privés souffrent particulièrement de ne pas pouvoir vivre cela.
Il y a certes un lien de subordination mais le travail en mode projet s'étend de plus en plus, de même que la responsabilisation des acteurs (empowerment).
Beaucoup reste à faire et certains managers sont encore dans le rapport de force et le manque d'écoute, voire de respect.
Mais je crois en la possibilité d'un leadership humaniste qui tire l'homme vers le haut et lui permet de se réaliser au travail.
Merci de l'intérêt que vous portez à mes activités et à mes vidéos sur nos chers compositeurs.
Vive la musique et bien cordialement.
Eric Chaillier
Sofort fur ein neues Programm 🙋 l'orchestre de Bamberg a un excellent chef non🕵️🕵️🙋
Danke sehr ! Was wäre das Leben ohne die Musik ?
Mit freundlichen Grüssen