La volonté de puissance selon Nietzsche
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- Опубликовано: 7 фев 2025
- Bonjour à tous,
Aujourd'hui nous allons aborder un concept incontournable au sein du corpus nietzschéen : la volonté de puissance. Concept aux milles facettes, redoutable de complexité, il a suscité sur son sillage un nombre vertigineux de malentendus. C'est un concept qui a catalysé les pires passions tristes : il a permis à des hommes gangrénés par le ressentiment de scénariser leur misère psychique. On pense à Hitler, à la passion morbide de la sœur de Nietzsche pour la falsification, et d'autres encore aux rêves de gloire et de pouvoir, dussent-ils se concrétiser par l'écrasement.
Calamiteuses désinvoltures dans l'interprétation de ce concept à la tournure magique, il présente bien d'autres significations. Il aura au moins permis d'illustrer parfaitement les formules nietzschéennes sur la labilité du réel, qui n'est qu'un script aux milles perspectives possibles. En tout cas, par l'entremise de ce princeps organisateur de la vie, Nietzsche aura secoué la philosophie occidentale traditionnelle, dans l’obsession de ses protagonistes éprouvés, leur perpétuel ressassement qui rendait la philosophie répétitive et fermée sur elle-même. Là est la véritable révolution, plus que n'importe quel désir de grandeur. Car oui, autant que cette révolution dépasse toute appétence individuelle ainsi que la grande histoire surplombe notre petite histoire, la volonté de puissance nous gouverne tous, bien plus que nous la maîtrisons.
Tout est volonté de puissance : les plantes, les animaux, vous et moi. C'est un réductionnisme à moitié : certes tout de ce monde est régi (et régenté) par un tel principe actif, mais il se déploie selon une infinité de modulations possibles. Qu'il s'agisse d'un prêtre au désir de revanche ou à l'homme qui jubile de sentir sa créativité déborder jusqu'à l'extérieur de son corps, chacun déploie sa volonté de puissance selon sa complexion.
Si vous désirez entrevoir ce que cache la volonté de puissance derrière ses mythes et ses fumisteries, venez avec moi pour tenter de comprendre un peu mieux les rouages d'une impulsion qui saisit notre être tout entier. Le voyage n'est pas que lumières tropicales, et foisonnement solaire, notre volonté de puissance elle-même se recouvre d'un halo obscur, c'est là partie intégrante de son existence. Cela signifie-t-il notre déclin inéluctable ou promesse d'un ressaisissement de l'homme ? A nous d'en juger, en tout cas rien ne compte plus que le voyage plus que sa fin.
A très bientôt ! Au plaisir de vous lire.
Bravo ! Toujours aussi réussi 😉
Merci beaucoup pour votre commentaire, ça fait plaisir !
@@LeGrimoireytb ❤️
Merci pour le travail de vulgarisation. De nombreuses clarifications sont les beinvenues mais cela reste complexe. Pour faire suite à la video précédente sur le ressentiment, avez vous des précisions à apporter sur l'homme actif/joyeux? Seul l'utilisation de sa volonté de puissance fait la différence ou j'ai mal compris? Bien à vous.
Vous faites bien de me dire que certaines choses restent complexes ou même nébuleuses, je peux ne pas assez me rendre compte de la difficulté à être compris parfois dans ce que j'énonce alors le savoir me permettra d'avancer pour tâcher d'être encore plus clair. Il est vrai que je n'ai sans doute pas assez développé sur l'homme actif/joyeux, vous savez pointer les choses au bon endroit !
J'entendais l'homme actif joyeux/actif déjà par opposition à l'homme réactif plus avant dans la vidéo, c'est à dire celui qui est toujours dans la réaction d'un événement, qui n'agit par conséquent pas vraiment de lui-même, qui se laisse influencer de trop par la pâte des circonstances qu'il va avoir le sentiment de subir. C'est cela qui peut développer à terme du ressentiment : avoir ce sentiment de subir passivement les choses alors que l'on est a minima maître de ce processus, alors qu'on peut agir sans être absorbé par l'événement qui nous fait face. L'homme réactif tombe dans l'écueil de la mauvaise foi sartrienne : si je suis malheureux c'est parce que j'estime que ma vie est déterminée par les circonstances que j'accable à m'avoir rendu malheureux, en me dédouanant de ma liberté et de mes possibilités pour m'extraire de ce malheur.
L'homme actif lui ne se laisse pas décontenancer, est conscient des déterminismes présents dans son existence mais ne rompt pas, et poursuit sa voie. Il n'impute pas telle blessure à telle circonstance extérieure pour se dédouaner et attribuer tous ses échecs aux autres, à un manque de chance etc et ainsi développer une "conscience ressentimiste" (j'emprunte ce terme à Cynthia Fleury dans un livre que je vous recommande : Ci-gît l'amer : guérir du ressentiment). Il dispose d'une volonté de puissance assez sereine et débordante pour ne pas se laisser abîmer de trop par les événements, et il y consent par-dessus tout. Ce consentement aux déterminismes de ce monde, à ce qui ne peut lui échapper le libère de tout ressentiment parce qu'il est ainsi protégé du ressassement ou de la victimisation. Ce consentement, que Nietzsche reprend aux stoïciens, l'"Amor fati" (aime ton destin) libère l'homme et le rend ainsi joyeux, c'est en tout cas ainsi que j'imagine un tel homme dit actif : joyeux parce que libéré des carcans de la haine envers autrui ou le monde.
Pour votre deuxième question : Nietzsche part du principe que nous utilisons tous nécessairement notre volonté de puissance comme elle est partout. Il va en effet dire que nous avons un rapport à elle qui peut varier sensiblement selon les individus. La volonté de puissance peut être orientée aussi bien pour développer une haine des hommes libres et actifs et ainsi concourir à créer une religion cohérente, contraignant les hommes, forçant à la conversion, à la repentance etc ( c'est un exemple qu'il utilise souvent), tout comme elle peut être "utilisée" comme un homme actif, qui accepte que notre monde est déterminé et vogue avec cette donnée pour créer, se mesurer à lui-même, aux autres, à expérimenter, à s'aventurer etc. Le verbe utiliser peut créer un quiproquo en ceci qu'on pourrait en penser (à tort) que tout homme serait libre d'utiliser sa volonté de puissance dans telle ou telle direction alors que Nietzsche est un peu plus "tragique" à ce sujet : il va dire que l'orientation de notre volonté de puissance nous est consubstantielle, elle est inscrite en nous. La haine du prêtre pour le monde que l'on connaît est farouchement enserrée en lui-même, de là sa conversion et ses actions ultérieures pour imposer sa façon du monde. En revanche je ne pense pas que le fatalisme soit total : une réorientation de notre volonté de puissance est bien sûr possible !
J'espère avoir été clair, n'hésitez pas à demander des clarifications. Au plaisir, et belle journée !
@@LeGrimoireytb Je me rends compte à quel point le debut de mon message était mal formulé. Je voulais dire que votre intervention était la bienvenue afin de clarifier des idées reçus sur le travail de Nietzsche. Mais que cela restait complexe. De même que par le mot "utilisation" je souhaitais l'utiliser dans le sens "d'orientation/sens" de la volonté de puissance. Mieux formuler, avec plus de précision mes propos et rattrapper mes lacunes en philo sont mes travaux du moment. Merci d'y paticiper et merci pour vos réponses qui répondent parfaitement à mes questions.
Je vous en prie, au temps pour moi d'avoir mal compris. Vous êtes très humble, bien plus qu'il n'en faut sachant la pertinence de vos interventions et cela me rappelle une phrase d'une de mes professeurs de philosophie : "je serai toute ma vie étudiante". Cela m'avait beaucoup ému ! Quand l'humilité et l'intelligence prennent conscience de concert de l'abîme infini du savoir et de l’étendue de notre ignorance. Cela laisse rêveur, et ne peut qu'inciter à toujours plus apprendre ! Je vous remercie également.
@@LeGrimoireytb La volonté d'apprendre affute le discernement qui préserve des amalgames qui rendent aigri . Permet également de continuer à s'emerveiller. Et l'étendu du savoir infini valorise d'autant le partage, celui la même que vous pratiquez. Alors merci.
🙏
Ça me fait penser à l’adage dont j’ai oublié l’auteur et que je paraphrase :
Ce n’est pas notre corps qui habite une âme mais notre âme qui habite notre corps.
Pour répondre aux précédentes de vos réponses, bien sûr que j’apprécie Ferrari, Tsamere et toute la génération On j’demande qu’à en rire et Ondar show.
Bien sûr que j’ai essayé d’entendre le mythe de Sisyphe de Camus mais trop complexe à mon goût.
Je vais essayer de vous faire comprendre pourquoi les 2 mythes m’ont rendu perplexe ; dans un cas Sisyphe est condamné à pousser la grosse pierre qui ne cesse de retomber, malgré tout il peut garder l’espoir de la hisser sur le sommet par contre dans l’autre cas aucun espoir ne s’offre à lui car dès qu’il arrive au sommet, le rocher retombe de l’autre côté…
Il m’est bien évident que différentes conceptions sont formulées à travers ces 2 mythes.
J’en appelle à vos différentes lectures pour m’éclairer à ce sujet.
Je ne sais pas si je comprends vos podcasts mais j’ai plaisir à vous écouter.
Je me réjouis que votre nombre d’abonnés augmente.
Bonne journée.
Si je peux me permettre (surtout que je n'ai pas le tenant et les aboutissants des conversations ultérieurs. Alors n'hésitez pas à me reprendre), il me semble que ce que dit Camus au sujet de Sisyphe c'est que la clef n'est pas dans le but de remonter la pierre ou stabiliser la pierre. Mais d'être heureux de remonter la pierre, il faut imaginer Sisyphe heureux. C'est aussi ce que dit la psycho pour garder un taux élevé de dopamine. C.a.d. entretenir le gout de l'effort et non le résultat, l'appât. Et pour revenir à Sisyphe être heureux de remonter la pierre peut se transposer à l'échelle d'une journée comme on l redémarre du bas de la colline. A l'échelle d'une année, je voyais au Canada les habitants refaire leurs plantations devant leur maison à chaque printemps, les lazures étants usée par la rudesse de l'hiver 'et je me disais quel courage). Ou à l'échelle d'une vie, j'ai lu cette aphorie dernièrement qui disait: c'est curieux la vie. On arrive avec rien, on se bat pour tout. Puis on laisse tout pour ne repartir avec rien. Bonne continuation, au plaisir.
Bonjour @Ch0w-,
Votre adage est tout à fait en lien avec la vidéo, je vous en remercie ! Vous avez bien saisi un des points de la vidéo : Nietzsche considère que notre corps est le véhicule premier de notre volonté de puissance, et pas cette âme à laquelle il ne croît pas. Ce n'est pas pour rien qu'il appelle le corps "la grande Raison" et l'âme "la petite raison". Il inverse la tradition philosophique occidentale depuis Platon et même avant lui et ceux qu'on appelle les présocratiques qui considère de façon obsédante que notre corps comme le centre depuis lequel nous percevons mal le monde, troublés par des sens trompeurs qui obscurcissent notre observation du monde (on peut penser au fameux mythe de la caverne). L'âme serait selon une telle tradition celle qui nous approche de la vérité, son intégration dans un corps trompeur serait un mal en soi. Le corps a ainsi été méprisé à travers les siècles, en mettant en lumière sa saleté, ses besoins, les pulsions "mauvaises" qu'il occasionne en nous...Nietzsche opère un renversement en revalorisant le corps. Ce corps sans lequel aucune impulsion n'est possible, ce centre sans lequel on n'est rien sinon une âme éthérée qui n'est pas garantie de survivre.
djclayton01 vous a fourni l'interprétation très éclairante de Camus au sujet de ce Mythe de Sisyphe, je n'ai rien à redire ! Bien sûr c'est une lecture particulière que celle de Camus, et on peut l'entendre de bien des façons différentes. Sisyphe est avant tout un homme qui a été puni, châtié, pour son hubris, c'est à dire son arrogance, ses excès, de vouloir flouter les limites bien établies entre les hommes et les dieux ! Des limites que les dieux ont jugées telles en tout cas, sachant combien ils sont très humains au bout du compte... Son arrogance a été d'édifier un palais démesuré, excessif en tous points. C'est en tout cas la vision de certains critiques littéraires. Pour d'autres il a été puni pour avoir déjoué la mort, en voulant échapper à la mort qui lui était inéluctable. Il aurait même réussi à menotter un temps Thanatos, la mort même ! Les dieux lui ont alors "offert" (je suis ironique) un châtiment pire que la mort...
Pour ma part je n'imagine pas Sisyphe heureux, mais c'est pour vous dire que c'est avant tout à chacun de ressentir le mythe de la façon qui lui sied ! Le cheminement plus que le résultat me semble à moi aussi plus essentiel, mais là il s'agit de faire perpétuellement la même chose, sans ressort aucun (pour soi ou une communauté comme le très bel exemple des lazures que votre interlocuteur donne). Mais là comme souvent c'est le symbole qui l'emporte : et on peut le voir comme une allégorie de l'effort, que l'on peut rapprocher de la dialectique du maître et de l'esclave selon Hegel : l'esclave est sous la tutelle de son maître mais ce dernier ne peut rien faire de concret comme cultiver la terre, coudre etc alors que l'esclave du bas de sa condition s'élève en apprenant au contact de la terre et trouve un horizon dans de telles actions libératrices.
A vous d'imaginer comment se sent Sisyphe. Après tout, toutes ces constructions théoriques ne sont que la cristallisations de projections personnelles non ?
Merci pour vos encouragements, je vous dis à bientôt et très belle journée/soirée.
@@djclayton01
Bonjour,
En effet, je suis autant d’accord avec vous qu’avec LeGrimoire.
La seule question que je pose est quelle est la différence entre les deux métaphores :
Dans la première, Sisyphe est condamné à remonter le rocher qui ne cesse de retomber ad vitam aeternam, dans ce cas là, vos réponses (Le ptit Filou et vous) peuvent correspondants à l’allégorie de la vie …
Par contre, la seconde métaphore où Sisyphe condamné a hissé cette pierre jusqu’au sommet de la montagne, atteint le sommet de la montagne, cependant le rocher, à peine quelques secondes après dégringole de l’autre côté de la montagne.
C’est cette seconde métaphore qui me rend dubitatif quant aux conceptions de la première métaphore…
Merci d’avoir pris la peine de me répondre mais vous comprenez bien que ces deux métaphores n’aboutissent pas aux mêmes conclusions.
Bonne journée.
Bonjour Le P’tit Philou
Est-ce que LeGrimoire correspond à une autre de vos chaînes RUclips ?
Merci de m’avoir conforté en ce qui concerne la correspondance de l’adage avec votre vidéo.
Cependant, comme je l’ai signalé à djclayton dans mon commentaire précédent, ce n’est pas les différentes conceptions autour du mythe classique de Sisyphe mais la différence entre les deux mythes.
Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il me semble que B.Werber a cité cette seconde version :
Sisyphe a réussi à hisser le rocher jusqu’au sommet mais sitôt fait, le Rocher retombe de l’autre côté.
Ces deux versions ne se contredisent pas mais n’aboutissent pas aux mêmes interprétations.
Il me semble que dans la première version, on peut entrevoir une lueur d’espoir quant à Sisyphe qui a un objectif… Comme il est dit, dans un voyage, ce n’est pas l’arrivée mais le parcours qui nous grandit.
Cependant, dans la seconde version, à peine Sisyphe arrive au terme de sa mission que le rocher retombe de l’autre côté ; ainsi aucun espoir… l’Homme se tue à la tâche pour n’aboutir à rien puisqu’il se retrouve de l’autre côté de la montagne sans aucune autre perspective.
Cette image pourrait expliquer le suicide dont nous parle A.Camus dans ce mythe de Sisyphe.
Bien à vous.
@@Ch0w- Comme ça instantanément, je dirais que la seconde métaphore exprime soit l'éternelle recomencement (ou pour le dire autrement "rien n'est jamais acquis" ou "on ne peut pas être et avoir été" ce qui introduit une notion de temporalité et d'impermanence de la vie dans la réflexion), soit l'idée que tout ce qui est acquis est détruit? (et donc à réiterer sur un autre sujet si on prend la remonté du rocher comme processus et annonçant une remonté du rocher dut à la volonté d'élévation ou de puissance Nietzschéenne?)