PONTUS DE TYARD - Paul Valéry

Поделиться
HTML-код
  • Опубликовано: 1 ноя 2023
  • Paru dans Œuvres de P. Valéry - 1937
    " Ce n'est pas une très grande figure que celle de Pontus de Tyard. Son nom ne fait penser qu'à la Pléiade, constellation dont il emprunte un peu de la lumière qui lui permet de cheminer jusqu'à nous.
    Mais si l'attention érudite se concentre et s'attarde sur ce compagnon de Ronsard et de du Bellay, elle discerne dans Tyard presque tous les nobles éléments dont les grands
    hommes de son époque étaient composés. On sait qu'ils étaient armés de tous les dons, et leurs âmes enflammées de toutes les concupiscences.
    De Léonard à Francis Bacon, un siècle est particulièrement riche en intelligences universelles. La curiosité de sentir, la volupté de connaître, la passion de produire atteignent, dans ces temps fabuleux, une puissance sans exemple. Les arts, les sciences, l'hébreu, le grec, la mathématique, la politique spéculative ou appliquée, la guerre, la théologie... rien qui ne semble désirable, et comme délicieux et facile, à ces monstres multiformes, altérés de savoir et de pouvoir, qui dévorent tout le passé et qui enfantent tout l'avenir.
    Notre Pontus est bien de leur espèce, quoique de moindre taille. Ce poète fut astronome ; cet astronome, évêque ; cet évêque, agent du roi, et sa plume dans la polémique. La lyre, la mitre, l'astrolabe, pourraient figurer sur son tombeau. Mais le quatrième angle de la pierre serait orné d'un autre emblème qui convient, semble-t-il, à Tyard, aussi légitimement que les autres. Ce serait une de ces bouteilles dives et pansues dont il faisait un large et leste usage, à la condition qu'elles fussent de vin de Bourgogne, qui était le vin de son pays comme il l'était de ses préférences.
    Quant à l'amour, Tyard, comme tout le monde, n'a pas manqué de lui accorder ce qui revient de droit à ce maitre inévitable. Une certaine Pasithée l'a beaucoup occupé. Mais
    l'amour, en échange, lui fit don d'un assez grand nombre de vers charmants ; il lui souffla ce Livre des Erreurs Amoureuses où l'on trouve des grâces comme celle-ci :
    Ô calme nuit qui doucement composes
    En ma faveur l'ombre mieux animée
    Qu'onques Morphée en sa salle enfumée
    Peignit du rien de ses métamorphoses...
    Je me garderai d'omettre, parlant de Pontus de Tyard, qu'une tradition lui accorde d'avoir été le premier qui eût fait des sonnets en notre langue. Il y a doute sur ce
    mérite de notre évêque, mais rien que ce doute est glorieux, car le sonnet et une forme si heureusement inventée, - elle dont Michel-Ange, ni Shakespeare n'ont craint la brièveté ni la rigueur, et qui condamne le poète à la perfection, - que le seul soupçon d'en être
    l'introducteur chez les Français est infiniment honorable.
    Tyard avait un faible pour l'inversion, qu'il employait un peu trop forte et trop fréquente ; mais elle est à la poésie une liberté significative et utile, car elle tourmente
    noblement le cours naturel et plat de l'expression.
    Profitant pour disparaître d'une éclipse totale du soleil, Tyard mourut en 1605, âgé, mais non accablé, de quatre-vingt-quatre révolutions de cet astre ; ayant loyalement servi,
    sans trop les confondre : Apollon, Vénus, Uranie, Henri III, Bacchus et l'Eglise. "
  • КиноКино

Комментарии •