Le cygne de Charles Baudelaire

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  • Опубликовано: 7 ноя 2012
  • A Victor Hugo
    I
    Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
    Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
    L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
    Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,
    A fécondé soudain ma mémoire fertile,
    Comme je traversais le nouveau Carrousel.
    Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
    Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ;
    Je ne vois qu'en esprit tout ce camp de baraques,
    Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
    Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
    Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.
    Là s'étalait jadis une ménagerie ;
    Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux
    Froids et clairs le Travail s'éveille, où la voirie
    Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,
    Un cygne qui s'était évadé de sa cage,
    Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
    Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
    Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec
    Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
    Et disait, le coeur plein de son beau lac natal :
    "Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ?"
    Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,
    Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
    Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
    Sur son cou convulsif tendant sa tête avide
    Comme s'il adressait des reproches à Dieu !
    II
    Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
    N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
    Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie
    Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.
    Aussi devant ce Louvre une image m'opprime :
    Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
    Comme les exilés, ridicule et sublime
    Et rongé d'un désir sans trêve ! et puis à vous,
    Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,
    Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
    Auprès d'un tombeau vide en extase courbée
    Veuve d'Hector, hélas ! et femme d'Hélénus !
    Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique
    Piétinant dans la boue, et cherchant, l'oeil hagard,
    Les cocotiers absents de la superbe Afrique
    Derrière la muraille immense du brouillard ;
    A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
    Jamais, jamais ! à ceux qui s'abreuvent de pleurs
    Et tètent la Douleur comme une bonne louve !
    Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !
    Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile
    Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !
    Je pense aux matelots oubliés dans une île,
    Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor !

Комментарии • 7

  • @marco-marchi
    @marco-marchi 2 года назад +2

    Magnifique!

  • @ArturoBandini-F
    @ArturoBandini-F 11 лет назад +6

    "aux captifs, aux vaincus" is missing. By the way thank you so much for this reading. I am not a french speaker and I could not appreciate the sound until now. Cheers.

    • @geraldineguibert9993
      @geraldineguibert9993 6 лет назад +1

      C'est en vérité un hommage "aux vaincus" de Juin 1848. Le Cygne est le symbole du peuple insurgé de 48 : voilà toute l'étrangeté de ce cygne qui se baigne dans la poudre, et toute sa fatalité.
      Il faut lire :
      Le spleen contre l'oubli, Dolf Oehler

  • @PoesieEnLigne
    @PoesieEnLigne  11 лет назад +2

    Thank you! I am again going to record the text. :o)

  • @depurionlc9572
    @depurionlc9572 3 года назад +2

    1:44

  • @ArturoBandini-F
    @ArturoBandini-F 11 лет назад +2

    :)