S'ennuyer de soi-même | L’ennui : privilège ou fardeau ?

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  • Опубликовано: 28 фев 2024
  • Source : France Culture, Série « L’ennui : privilège ou fardeau ? », S'ennuyer de soi-même (Jeudi 5 octobre 2023)
    L'ennui, c'est peut-être d'abord l'ennui de soi : je suis ennuyé par le fait d'être moi, coincé avec moi-même, incapable de sortir de moi. Dès lors, le "moi" n'est-il pas le véritable objet de l'ennui ?
    Avec :
    Hadi Rizk : Professeur honoraire en khâgne au Lycée Henri IV à Paris
    Pierre Guenancia : Professeur émérite de philosophie spécialisé en histoire de la philosophie moderne à l’université de Bourgogne
    Le “moi” : une construction ?
    Pour comprendre le rapport entre le “moi” et l’ennui, il est essentiel d'éclaircir l'essence même de ce "moi". Pour Pierre Guenancia le “moi” est une construction philosophique. Il explique : “c'est-à-dire que les penseurs, que sont Pascal, que sont Locke, ont eu besoin de construire un concept du moi pour considérer l'individu dans son isolement par rapport aux autres”. Il ajoute : “c'est une construction factice et qui permet d'une certaine manière de construire notamment des théories comme celle de l'individualisme, du libéralisme, où c'est chacun pour soi, où le soi est exalté dans sa différence et dans sa singularité”. Faut-il alors sortir de ce “moi” qui ne serait qu’une fiction ? Hadi Rizk fait une distinction entre le “moi”, ou l’intériorité, et la “subjectivité”. “Le moi identifie, le moi sclérose, alors que la subjectivité est d'abord une scission, un rapport à soi, une inquiétude”, explique-t-il. Ainsi, “il faut peut-être sortir le moi de la subjectivité, et l'ennui peut être un symptôme de ce malaise, pour restituer au moi sa véritable existence, sa véritable liberté”.
    De Pascal à Sartre : l’ennui comme révélateur de mon être
    Une personne allongée sur son lit ou son canapé, se plaignant de la lourdeur de son existence, un peu comme Oblomov le personnage d’Ivan Gontcharov : là serait l’image la plus illustrative de l’ennui. Le philosophe Blaise Pascal affirmait déjà l’impossibilité pour l’homme de “demeurer en repos dans une chambre” et donc de se tourner vers des divertissements. “Pascal ne critique pas le divertissement, il en explique la raison, non pas la cause mais la raison, c'est-à-dire le principe qui tient justement à l'impossibilité pour l'homme de s'accepter sans Dieu” informe Pierre Guenancia. D’ailleurs Pascal était déjà très lucide sur le fait que “le moi était en train de devenir une idole dans nos sociétés”. Cette expérience de l’ennui permettrait une révélation philosophique sur notre être, ou plus précisément sur notre “non-être”. “C'est-à-dire que l'impossibilité de rester dans la chambre révèle simplement que nous ne trouverons pas notre moi, notre être, notre substance” affirme Hadi Rizk*.* L’ennui serait comparable à l’expérience de Roquentin, ce personnage de Jean-Paul Sartre dans La Nausée. Ainsi l’ennui serait “un visage de la nausée”, soit un “visage de la contingence”.
    Pour aller plus loin ; nous vous conseillons la lecture de cet ouvrage que nous avons évoqué durant l'émission :
    - Oblomov, Ivan Gontcharov, 1859 (éditions Gallimard - Folio Classique, traduction par Arthur Adamov, 2007).
    Références sonores :
    - Archive de l'ORTF, Serge Reggiani déclame Baudelaire "Enivrez-vous", novembre 1968.
    - Extrait de l'émission d'ARTE, Streetphilosophy, "Fuis la solitude !", Aout 2022.
    - Lecture par Riyad Cairat d'un extrait de Blaise Pascal, *Pensées, "*Pensée n°168", Sellier, publication posthume en 1669.
    - Lecture par Anna Pheulpin d'un extrait de Jean-Paul Sartre, La Nausée, 1938.
    - Lecture par Riyad Cairat d'un extrait de Pierre Pachet - Autobiographie de mon père, 1987.
    - Chanson en fin d'émission : "Chacun fait (c'qui lui plaît)", de Chagrin d'Amour (1981).

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