Merci Ariane Mnouchkine, cela fait du bien d'entendre vos propos sur la VIE par le prisme du théâtre. Encore merci pour votre passion pour le travail de scène au théâtre du soleil. Pierre Delorme
Les vents contraires : LE PROCHAIN ARTISTE Ce que je reproche le plus aux artistes du secteur public c’est d’ignorer comment et pourquoi les outils culturels ont été élaborés et construits. Ce sont les travailleurs de tout le pays qui ont participé pendant plusieurs générations à l’émergence de l’expression populaire dans tous les arts. Après leur journée de travail ils sont allés dans leurs lieux de vie installer les tréteaux de ce qui devait être une tribune. Là, au milieu de tous, se trouvaient réunis et les poètes et le public populaire, et le mot populaire avait le sens pour dire : tout le monde. Les artistes étaient des gens du public qui se mettaient à jouer la comédie humaine et leur but était de charmer chacun chacune. L’objet de leur quête était de se mettre à jouer en mimant les gestes de leur vie quotidienne en même temps qu’ils trouvaient les mots pour le dire. Ainsi nous nous retrouvions spectateurs de notre propre vie sur le média public et nos interprètes donnaient forme au mystère de notre existence. Nous avions des artistes qui créaient le pain du jour avec la farine de chacun, nos peines et nos joies, pour le pain nouveau de nos consciences. Et la farine de chacun était bonne pour le pain, peu importait la quantité quand la qualité y était de culture humaine. Nous nous sommes enseigné l’art de vivre et nous nous sommes exercé à éloigner le mal, à guérir, à provoquer l’amour. Un jour nous avons pu construire des outils fixés à des places dans nos cités cimentées, et nos routes goudronnées devaient mener le toutim vers ces porte-paroles. Mais la nuit c’est peu à peu emparé de ces lieux de culte. Des têtes remplies d’irréalité et des mains inutiles nous ont pris nos outils pour les gaspiller et les réduire au silence. Inutiles toutes ces constructions et toutes nos subventions qui devaient servir exclusivement l’éducation populaire, c’est-à-dire l’éducation de tout le monde. Plus aucun artiste n’est venu dans nos cités aux heures quotidiennes après la journée de travail pour relever la nuit et préparer le pain du jour. Et ainsi les artistes ont oublié nos noms et nos adresses; ainsi les murs des quartiers de la Terre se sont refermés sur des ghettos où a mûrie l’arriération : des murs si hauts que l’humanité s’y trouve comme aliénée. Il a fallu que nous enfilions des maillots jaunes pour signaler nos corps décharnés et nos âmes desséchées. Moi, le trouveur, aujourd’hui, le corps diminué par le travail trop dur, l’esprit embrouillé par les humiliations quotidiennes, usé par le rabrouement harcelant, par tout ce qui me fait sentir seul, par le manque de résonnance à ma voix psalmodiant ma joie de vivre, par mes cris à tue-tête en chœur avec toutes les faims; moi, le trouveur amoureux, je suis sur la place publique et je garde cette place, cette place qui est ma place - en espérant vous y trouver pour la grande humanité de tous vos pays, cette humanité de toutes les humanités, dans l’exil en cette Terre, cette île seulette dans le grand Univers, cette Terre plus beau pays dans l’Univers où j’ai vu le paradis à la fenêtre de vos yeux, au coin de vos sourires. Pierre Marcel Montmory trouveur 6 Janvier 2019 (Je donne mes trouvailles sur les places publiques et les lieux de vie depuis 1964 et, pour payer mes factures, je fais autre chose).
Merci pour ce beau texte. Je comprends toutefois la réserve d'Ariane au sujet des vents contraires. Il est plus sage et utile de prendre 15 minutes pour parler de choses positives que de se perdre en dénonciations.
Mon gilet en loques je vais par les chaussées Voir mes bons compagnons de qui on se moque Le goût du pain ne fait pas la différence Entre le juge et la mauvaise pitance Et les biens nantis et l’horrible malchance Qui nous fait gémir et insulter l’époque Nous les inconnus des gilets en loques Vivants sans possession qu’avec l’endurance Ils me mettront en dedans comme Nelligan* Les gens normaux haïssent les désespérés Être trop ceci n’avoir pas assez de cela Les gens sont biens avec juste tout ce qu’il faut Ils me pendront à la une de leur journal Je suis un malfaiteur sans classe sociale Je jouis de toutes les belles animales Seules me regretteront les vraies vestales Car n’est péché que le poisson que la mer a jeté Dans le filet du pêcheur au cœur bien hameçonné Qui vit sur les rives des pays aux rochers édentés Déchire sa coque de chairs naufragées dans Léthé Mon gilet en loques je vais par les chaussées Voir mes bons compagnons de qui on se moque Le goût du pain ne fait pas la différence Entre le juge et la mauvaise pitance Pierre Marcel Montmory trouveur *Nelligan : poète savant, canadien, enfermé par les gens biens www.poesielavie.com/
Merci Ariane Mnouchkine, cela fait du bien d'entendre vos propos sur la VIE par le prisme du théâtre.
Encore merci pour votre passion pour le travail de scène au théâtre du soleil.
Pierre Delorme
quelle joie de vous entendre Madame Mnouchkine , merci , cela change de la langue de bois
Un grand moment de théâtre
Merci !
Les vents contraires :
LE PROCHAIN ARTISTE
Ce que je reproche le plus aux artistes du secteur public c’est d’ignorer comment et pourquoi les outils culturels ont été élaborés et construits.
Ce sont les travailleurs de tout le pays qui ont participé pendant plusieurs générations à l’émergence de l’expression populaire dans tous les arts.
Après leur journée de travail ils sont allés dans leurs lieux de vie installer les tréteaux de ce qui devait être une tribune.
Là, au milieu de tous, se trouvaient réunis et les poètes et le public populaire, et le mot populaire avait le sens pour dire : tout le monde.
Les artistes étaient des gens du public qui se mettaient à jouer la comédie humaine et leur but était de charmer chacun chacune.
L’objet de leur quête était de se mettre à jouer en mimant les gestes de leur vie quotidienne en même temps qu’ils trouvaient les mots pour le dire.
Ainsi nous nous retrouvions spectateurs de notre propre vie sur le média public et nos interprètes donnaient forme au mystère de notre existence.
Nous avions des artistes qui créaient le pain du jour avec la farine de chacun, nos peines et nos joies, pour le pain nouveau de nos consciences.
Et la farine de chacun était bonne pour le pain, peu importait la quantité quand la qualité y était de culture humaine.
Nous nous sommes enseigné l’art de vivre et nous nous sommes exercé à éloigner le mal, à guérir, à provoquer l’amour.
Un jour nous avons pu construire des outils fixés à des places dans nos cités cimentées, et nos routes goudronnées devaient mener le toutim vers ces porte-paroles.
Mais la nuit c’est peu à peu emparé de ces lieux de culte. Des têtes remplies d’irréalité et des mains inutiles nous ont pris nos outils pour les gaspiller et les réduire au silence.
Inutiles toutes ces constructions et toutes nos subventions qui devaient servir exclusivement l’éducation populaire, c’est-à-dire l’éducation de tout le monde.
Plus aucun artiste n’est venu dans nos cités aux heures quotidiennes après la journée de travail pour relever la nuit et préparer le pain du jour.
Et ainsi les artistes ont oublié nos noms et nos adresses; ainsi les murs des quartiers de la Terre se sont refermés sur des ghettos où a mûrie l’arriération : des murs si hauts que l’humanité s’y trouve comme aliénée.
Il a fallu que nous enfilions des maillots jaunes pour signaler nos corps décharnés et nos âmes desséchées.
Moi, le trouveur, aujourd’hui, le corps diminué par le travail trop dur, l’esprit embrouillé par les humiliations quotidiennes, usé par le rabrouement harcelant, par tout ce qui me fait sentir seul, par le manque de résonnance à ma voix psalmodiant ma joie de vivre, par mes cris à tue-tête en chœur avec toutes les faims; moi, le trouveur amoureux, je suis sur la place publique et je garde cette place, cette place qui est ma place - en espérant vous y trouver pour la grande humanité de tous vos pays, cette humanité de toutes les humanités, dans l’exil en cette Terre, cette île seulette dans le grand Univers, cette Terre plus beau pays dans l’Univers où j’ai vu le paradis à la fenêtre de vos yeux, au coin de vos sourires.
Pierre Marcel Montmory trouveur 6 Janvier 2019
(Je donne mes trouvailles sur les places publiques et les lieux de vie depuis 1964 et, pour payer mes factures, je fais autre chose).
Merci pour ce beau texte. Je comprends toutefois la réserve d'Ariane au sujet des vents contraires. Il est plus sage et utile de prendre 15 minutes pour parler de choses positives que de se perdre en dénonciations.
Trop bien..
Mon gilet en loques je vais par les chaussées
Voir mes bons compagnons de qui on se moque
Le goût du pain ne fait pas la différence
Entre le juge et la mauvaise pitance
Et les biens nantis et l’horrible malchance
Qui nous fait gémir et insulter l’époque
Nous les inconnus des gilets en loques
Vivants sans possession qu’avec l’endurance
Ils me mettront en dedans comme Nelligan*
Les gens normaux haïssent les désespérés
Être trop ceci n’avoir pas assez de cela
Les gens sont biens avec juste tout ce qu’il faut
Ils me pendront à la une de leur journal
Je suis un malfaiteur sans classe sociale
Je jouis de toutes les belles animales
Seules me regretteront les vraies vestales
Car n’est péché que le poisson que la mer a jeté
Dans le filet du pêcheur au cœur bien hameçonné
Qui vit sur les rives des pays aux rochers édentés
Déchire sa coque de chairs naufragées dans Léthé
Mon gilet en loques je vais par les chaussées
Voir mes bons compagnons de qui on se moque
Le goût du pain ne fait pas la différence
Entre le juge et la mauvaise pitance
Pierre Marcel Montmory trouveur
*Nelligan : poète savant, canadien, enfermé par les gens biens
www.poesielavie.com/
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Bien dit ! :)