Au bord de l'eau - Guy de Maupassant

Поделиться
HTML-код
  • Опубликовано: 7 сен 2024
  • Un lourd soleil tombait d’aplomb sur le lavoir ;
    Les canards engourdis s’endormaient dans la vase,
    Et l’air brûlait si fort qu’on s’attendait à voir
    Les arbres s’enflammer du sommet à la base.
    J’étais couché sur l’herbe auprès du vieux bateau
    Où des femmes lavaient leur linge. Des eaux grasses,
    Des bulles de savon qui se crevaient bientôt
    S’en allaient au courant, laissant de longues traces.
    Et je m’assoupissais lorsque je vis venir,
    Sous la grande lumière et la chaleur torride,
    Une fille marchant d’un pas ferme et rapide,
    Avec ses bras levés en l’air, pour maintenir
    Un fort paquet de linge au-dessus de sa tête.
    La hanche large avec la taille mince, faite
    Ainsi qu’une Vénus de marbre, elle avançait
    Très droite, et sur ses reins, un peu, se balançait.
    Je la suivis, prenant l’étroite passerelle
    Jusqu’au seuil du lavoir, où j’entrai derrière elle.
    Elle choisit sa place, et dans un baquet d’eau,
    D’un geste souple et fort abattit son fardeau.
    Elle avait tout au plus la toilette permise ;
    Elle lavait son linge ; et chaque mouvement
    Des bras et de la hanche accusait nettement,
    Sous le jupon collant et la mince chemise,
    Les rondeurs de la croupe et les rondeurs des seins.
    Elle travaillait dur ; puis, quand elle était lasse,
    Elle élevait les bras, et, superbe de grâce,
    Tendait son corps flexible en renversant ses reins.
    Mais le puissant soleil faisait craquer les planches ;
    Le bateau s’entr’ouvrait comme pour respirer.
    Les femmes haletaient ; on voyait sous leurs manches
    La moiteur de leurs bras par place transpirer
    Une rougeur montait à sa gorge sanguine.
    Elle fixa sur moi son regard effronté,
    Dégrafa sa chemise, et sa ronde poitrine
    Surgit, double et luisante, en pleine liberté,
    Écartée aux sommets et d’une ampleur solide.
    Elle battait alors son linge, et chaque coup
    Agitait par moment d’un soubresaut rapide
    Les roses fleurs de chair qui se dressent au bout.
    Un air chaud me frappait, comme un souffle de forge,
    A chacun des soupirs qui soulevaient sa gorge.
    Les coups de son battoir me tombaient sur le cœur !
    Elle me regardait d’un air un peu moqueur ;
    J’approchai, l’œil tendu sur sa poitrine humide
    De gouttes d’eau, si blanche et tentante au baiser.
    Elle eut pitié de moi, me voyant très timide,
    M’aborda la première et se mit à causer.
    Comme des sons perdus m’arrivaient ses paroles.
    Je ne l’entendais pas, tant je la regardais.
    Par sa robe entr’ouverte, au loin, je me perdais,
    Devinant les dessous et brûlé d’ardeurs folles ;
    Puis, comme elle partait, elle me dit tout bas
    De me trouver le soir au bout de la prairie.
    Tout ce qui m’emplissait s’éloigna sur ses pas ;
    Mon passé disparut ainsi qu’une eau tarie :
    Pourtant j’étais joyeux, car en moi j’entendais
    Les ivresses chanter avec leur voix sonore.
    Vers le ciel obscurci toujours je regardais,
    Et la nuit qui tombait me semblait une aurore !
    (...)
    Maupassant était parfaitement conscient du caractère scandaleux de ce poème.
    Voici un extrait de sa correspondance avec Robert Pinchon, en 1876 :
    "... J’ai fait une pièce de vers1 qui va d’un coup me faire passer la réputation des plus grands poètes : elle paraîtra le 20 de ce mois dans la République des Lettres, si l’éditeur-propriétaire ne la lit pas, car cet homme est un catholique forcené, et ma pièce, chaste de termes, est ce qu’on peut faire de plus immoral, impudique, etc., comme images et donnée. Flaubert, plein d’enthousiasme, m’a dit de l’envoyer à Catulle Mendès, directeur de cette revue ; ce dernier, complètement renversé, va essayer de la faire passer malgré le propriétaire ; puis il l’a lue à plusieurs membres du Parnasse ; on en a parlé, et samedi dernier, à un dîner littéraire auquel assistait Zola, il paraît que j’ai fait le sujet de la conversation, pendant une heure, entre hommes qui ne me connaissent pas du tout. Zola écoutait sans rien dire, Mendès m’a présenté à quelques Parnassiens qui m’ont accablé de compliments. Mais seulement, c’est roide de publier l’histoire de deux jeunes gens qui meurent à force de... Je me demande si comme l’illustre Barbet d’Aurevilly, je ne vais pas être appelé devant le juge d’instruction ?..."
    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
    - Activez les sous-titres dans la vidéo pour suivre avec le texte original INTÉGRAL -
    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
    Lu par Michel Garçon, professeur de phonétique française
    frenchphonetics.com
    Au bord de l'eau,
    Guy de Maupassant, poème
    Poème figurant dans le recueil Des vers, 1880
    À Gustave Flaubert
    A l'illustre et paternel ami que j’aime de toute ma tendresse,
    À l'irréprochable maître que j’admire avant tous.
    #AuBordDeLEau
    #GuyDeMaupassant
    #poèmeaudio

Комментарии • 2

  • @sireyeti7949
    @sireyeti7949 7 месяцев назад

    Merci pour cette double grâce du texte et de la voix

    •  7 месяцев назад

      C’est très gentil, merci beaucoup !