AWAL avec Pierre Bourdieu sur Berbère radio-télévision (BRTV, 2001)

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  • Опубликовано: 22 сен 2024
  • AWAL avec Pierre Bourdieu sur Berbère TV, 28 avril 2001. Entretien réalisé par Hafid Adnani et Tassadit Yacine. La revue Awal a publié cet entretien sous le titre "L’AUTRE BOURDIEU. Celui qui ne disait pas ce qu’il avait envie de cacher"
    "Le 28 avril 2001, Bourdieu accepte une invitation pour parler à laBerbère radio-télévision (BRTV) qui venait à peine d’être créée. Il voulait,en ce printemps noir 2, envoyer un message amical à la jeunesse kabyle enattente de soutien. Il va de soi qu’il s’agissait là d’un jeune média disposantde très peu de moyens et Bourdieu ignorait tout de ses conditions de créa-tion. Il m’a seulement demandé : « Êtes-vous sûre qu’ils sont “indépendants”(du gouvernement algérien, cela va de soi) ? »Puis, rassuré, il m’a dit alors : « S’ils sont autonomes, ils pourront fairedu boulot ! »Entre-temps, j’étais en voyage et j’avais complètement perdu de vuece projet. À mon retour, BRTV, reprend contact pour demander de préparerquelques questions avec un jeune journaliste «amateur» (en réalité unbrillant prof de maths) qui ignorait l’œuvre scientifique de Bourdieu: lesgrandes élaborations théoriques telles que Esquisse d’une théorie de la pra-tique et Le Sens pratique, mais avait, en revanche, lu quelques-uns de ses der-niers écrits (Contre-feux, Sur la Télévision) parus dans la collection« Raisons d’agir ».Bien que très gênée à l’égard de Bourdieu (j’avais peur de sa réaction 3sachant que cette relation s’était tissée grâce à moi), j’ai accepté le pari.En arrivant sur les lieux, il était déjà là, en avance sur l’heure du rendez-vous, avait déjà fait le tour des locaux, discuté avec les jeunes animateurscomme s’il menait une enquête... Le journaliste, Hafid Adnani, n’était pasencore arrivé de son collège de banlieue.
    J'a vais préparé quelques questions générales sur son itinéraire et sonrapport à l’ethnologie, craignant que Hafid ne s’embrouille dans les questionsou fasse des confusions.Bourdieu se sentait complètement à l’aise, renversant les situations:en très peu de temps, il avait réussi à tisser des liens avec tout le monde.Il s’amusait à m’enseigner des choses sur la télévision, faisant de moi uneignorante (ce qui était le cas) et rappeler à mes amis de BRTV que j’étaisson étudiante, pour ne pas dire sa «créature». Tout cela était dit sur lemode de la plaisanterie et de la familiarité indigène dont il ne faisait jamaispreuve en public.Car je ne l’avais jamais vu se livrant à des personnes qu’il ne connais-sait pas et sur des sujets aussi intimes que sa relation au terrain. Incroyablemais vrai, il avait déclaré à Kahéna, une jeune étudiante: «Vous savez, laKabylie, c’est ma vie ! »Il me fallait comprendre par là qu’il répondait à une question maintesfois posée.À des questions bien précises, je n’avais eu que des réponses scienti-fiques ou très générales.Mon intérêt, par ailleurs, était de le mettre à l’épreuve dans sonrapport au terrain et c’était d’autant plus important pour moi qu’il étaitdétenteur d’une histoire dont j’étais dessaisie. J’étais souvent déçue par sesréponses indirectes, non pas pour me frustrer délibérément, mais je croisqu’il avait lui-même complètement incorporé l’Algérie et ne pouvait en par-ler sans se sentir dépossédé.J’ai dû accepter cette loi et me suis contentée de chercher des bribes decette histoire (celle des miens) dans des discussions très inattendues avecd’autres ou alors au téléphone. Il reproduisait avec moi cette façon de fairedes Kabyles qui, pour parler à leurs femmes, parlent aux enfants, aux voisinsou même à leur bourricot ! À charge pour la personne concernée de saisir cequi l’intéresse.Face à la caméra, il semblait très heureux d’exprimer (et c’est la pre-mière fois qu’il riait autant) ce qu’il n’avait jamais dit... Avait-il senti qu’iln’y avait pas d’enjeux ?Je ne saurais le dire. Tout ce que je peux reconnaître, c’est qu’il disaitvrai lorsqu’il se comparaît aux hommes kabyles, ce que j’ai toujours tenté defuir... Mais cette identification reposait sur une réalité que j’ai mis du tempsà voir et à admettre. Dans l’entretien ci-dessous, il se décrit par Mammeriinterposé : « Mammeri n’était pas quelqu’un de facile d’accès, moi non plusd’ailleurs, nous ne sommes pas des gens qui se livrent, même s’ils parlentbeaucoup, ils ne disent pas ce qu’ils ont envie de cacher. »Sa relation à l’Algérie et à la Kabylie est fondée sur un implicite:véritable passion pour cette terre et pour ses hommes qu’il a certainementvécue comme un mystère d’autant plus indicible qu’il était profond, toutcomme l’art."
    Tassadit Yacine

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